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LIBRES PAROLES : UN TRAIT POUR FAIRE BOUGER LES LIGNES ! À LA RENCONTRE DE MITU, LA CARICATURISTE BANGLADAISE

LIBRES PAROLES : UN TRAIT POUR FAIRE BOUGER LES LIGNES ! À LA RENCONTRE DE MITU, LA CARICATURISTE BANGLADAISE

Vous avez peut être oublié la tragédie du Rana Plaza, en Avril 2013 au Bangladesh ! Plus de milles personnes, essentiellement des femmes, y trouvèrent la mort sous l’effondrement du bâtiment dans lequel elles travaillaient. Pour la dessinatrice Mitu, cet accident a été un moment charnière de sa carrière. Il lui a inspiré un dessin dont les médias se sont immédiatement emparés. Il a été vu des centaines de fois dans les médias nationaux et internationaux, les chaines de télévisions et sur le web. Mitu a accepté de répondre à nos questions, nous la remercions chaleureusement.

 

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Valérie Direz pour Le Crayon – Vous êtes diplômée en Sciences de l’éducation et en Art, deux domaines que l’on a l’habitude d’opposer, comment faites vous pour concilier les deux,  et comment vous est venu ce gout pour l’Art, le Dessin et la Caricature ?

Mitu – J’ai obtenu les diplômes de premier cycle et de fin d’études en Sciences de l’éducation, mais j’ai toujours privilégié le dessin comme moyen d’expression  pour parler des questions  politiques ou sociales.

Personnellement, ce qui me passionne le plus, c’est la caricature. On peut penser que ma formation universitaire et mon goût pour l’art s’opposent, mais en fait, je pense qu’ils constituent pour moi un véritable atout, une vraie chance.  Parallèlement à la caricature et au dessin politique, dans le domaine des sciences de l’éducation, j’utilise  le dessin, la bande dessinée comme  des outils supplémentaires de communication. J’ai lancé le  « projet tiktaalik ». C’est un projet dans lequel le dessin est utilisé comme un outil de base dans le cadre de l’apprentissage de la science.

largelargeValérie Direz – “Meet the faces”, « À la rencontre des visages » est le nom de l’exposition de caricatures que vous avez présentée en 2014, à la Galerie de l’Alliance Française de Dakha.

Sur le site web du  Daily Star, il est dit que cette exposition était la première du genre au Bengladesh.

Comment a-t-elle été reçue par le public et de façon générale, comment les dessins qui se moquent et qui critiquent des personnages politiques ou des stars sont ils perçus par les bangladais ?

largelargeMitu – “Meet the Faces” était  ma première exposition personnelle de caricatures et aussi la première exposition de ce genre au Bangladesh. Je crois que le public a plutôt bien réagi. Nous avions déjà organisé des expositions de dessins où l’on pouvait aussi voir des caricatures, mais « Meet  the faces » était originale car elle ne présentait le travail que d’une artiste : Des caricatures de personnages célèbres, nationaux et internationaux. La couverture médiatique et les commentaires que j’ai eus me laissent penser que le public a très bien réagi. Les gens sont habitués à ce que l’on caricature les politiciens dans les journaux. Dans cette exposition, les caricatures,  plutôt que de critiquer ou de se moquer, se focalisaient plus particulièrement sur les caractéristiques intéressantes des personnages célèbres, leur personnalité, leur travail et pas seulement sur leur visage. Je crois que les gens ont apprécié cette dimension.

Valérie Direz – Cette année, l’exposition que nous organisons  a pour thème  les droits des femmes. L’un de vos dessins a particulièrement retenu notre attention pour plusieurs raisons, son énergie positive et son message qui semble dire que les femmes peuvent envisager l’avenir différemment, pensez-vous que la condition des femmes évolue, dans le monde et plus particulièrement dans votre pays, le Bengladesh ?

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Mitu – En ce qui concerne ce dessin, j’ai voulu représenter l’idée de s’affranchir. Se libérer des coutumes patriarcales ou de l’oppression de nos homologues masculins mais aussi des  stéréotypes de l’image de la femme qui sont en grande partie dictés, par défaut, par la société patriarcale. Je pense que la société évolue lentement.  Ces derniers temps, les gens ont commencé à considérer comme des défauts du système ce qui était  depuis toujours considéré comme normal. Le Bengladesh ne fait pas figure d’exception à cet égard. Pour ma part, je suis optimiste. Je pense qu’aucun changement ne se fait en une nuit, mais des petits efforts de chacun peut survenir quelque chose de plus grand qui aboutira à de réels changements.

Valérie Direz – Dans le monde, il reste beaucoup à faire pour que la condition des femmes s’améliore. Pensez-vous que les artistes peuvent jouer un rôle, avez-vous, vous-même un rêve que vous aimeriez voir se réaliser ?

largeMitu – Je pense que les  artistes sont en avance sur leur temps.  Donc ils doivent contribuer à faire  émerger les idées positives. Il est presque impossible d’offrir une formation appropriée sur le genre à toute une population, mais une image dit beaucoup de choses. Le dessin est une des formes artistiques la plus populaire. De ce fait les dessinateurs ont un rôle immense à jouer non seulement en ce qui concerne l’émancipation des femmes, mais aussi contre toutes les formes de patriarcat dans la société.

Dans mon projet évoqué au début de l’interview  (cf : « project tiktaalik« ), j’ai introduit un personnage féminin auquel les jeunes filles puissent s’identifier afin de les encourager à s’interposer dans le domaine des sciences dominé par les hommes.

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Vous me demandez quel serait mon rêve, il est celui d’un temps où l’on n’aurait plus besoin du féminisme…

Il me semble que le dessin a un impact plus important que les autres médias. Après la tragédie du Rana Plaza le 24 avril 2013 un de mes dessins est devenu quasiment un symbole de l’oppression qui règne dans le secteur du prêt-à-porter et du droit du travail. La tragédie du Rana Plaza a fait  plus de mille victimes. Les recherches des corps ont duré jusqu’au 13 Mai 2013 et l’on a compté 1134 mort et environ 2500 blessés. C’est considéré comme l’accident  le plus mortel de l’histoire dans le domaine du prêt à porter. Ce dessin figure parmi l’un des plus importants dans l’ensemble de mon travail car il m’a fait réaliser le potentiel considérable de l’image.  Cela a marqué une étape décisive dans ma carrière de dessinatrice. Et, par la suite,  les responsabilités  du dessinateur au sein de  la société sont devenues évidentes à mes yeux.

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Valérie Direz – Une question que vous aimeriez que l’on vous pose ?

Mitu – Nous avons déjà évoqué beaucoup de choses. Peut-être une question sur la profession que je préfère entre l’enseignement des sciences de l’éducation  et le dessin. Je dirais les deux. Ces deux horizons professionnels m’enrichissent de façon différente et ainsi ils m’ouvrent des perspectives.

Entretien réalisé par Valérie DIREZ

largelargeMitu fait partie du Comité international de caricaturistes qui se sont ralliées à notre projet d’exposition itinérante :  «  Au bout du crayon, les droits des femmes : caricatures, dessins de presse et liberté d’expression » que Le Crayon organise pour 2018 en partenariat avec France-Cartoons et le Festival du Dessin de Presse et de la Caricature de l’Estaque (FIDEP).

MITU en quelques dates :

– 1987 naissance de Mitu au Bengladesh.

– 2006 Premiers dessins de Mitu.

– 2011 premiers pas comme caricaturiste.

– 2013 Drame du Rana plaza, 24 avril 2013. Son dessin « Denim jeans Price » fait le tour des médias à l’échelle planétaire.

– 2014 Première exposition personnelle à l’Alliance Française de Dhaka.

 2016 Mitu lance son projet « Tiktaalik' ».

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