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NOUS CONTINUERONS, PROFESSEUR

NOUS CONTINUERONS, PROFESSEUR

vendredi 16 octobre 2020, un palier de plus a été franchi dans l’ignominie. Un professeur d’histoire a été assassiné.

 

POUR FAIRE FRONT TOUS ENSEMBLE !

largelargeUne fois de plus, le fanatisme a frappé. Il a frappé ce qui est au cœur même de notre société républicaine : l’éducation. Il a frappé parce qu’apprendre, c’est comprendre, et comprendre, c’est s’ouvrir l’esprit, c’est acquérir plus de tolérance, c’est relayer le développement des valeurs et des vertus républicaines : la liberté de conscience (croire ou ne pas croire), la liberté d’expression par la satire et la laïcité, clé du pacte républicain…

Aujourd’hui, nous sommes dans l’effroi, dans les pleurs, mais demain, nous nous devons de rester combattants.  Combattants contre toutes les formes d’obscurantisme, combattants pour la liberté d’expression. Combattants pour la laïcité.

Aujourd’hui face à cet assassinat sans nom, notre association Le Crayon, créée au lendemain des attentats de janvier 2015, vous  invite toutes et tous, à refuser le fascisme religieux.

Les enseignants sont aux avant-postes de la République. Nous devons les soutenir et participer à toutes les actions qui seront engagées.

Alexandre Faure pour l’association Le Crayon

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HOMMAGE NATIONAL : DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, 21 OCTOBRE 2020

Mesdames, Messieurs,

Ce soir je n’aurai pas de mots pour évoquer la lutte contre l’islamisme politique, radical, qui mène jusqu’au terrorisme. Les mots, je les ai eus. Le mal, je l’ai nommé. Les actions, nous les avons décidées, nous les avons durcies, nous les mènerons jusqu’au bout.

largelargeCe soir, je ne parlerai pas du cortège de terroristes, de leurs complices et de tous les lâches qui ont commis et rendu possible cet attentat. Je ne parlerai pas de ceux qui ont livré son nom aux barbares, ils ne le méritent pas. De noms, eux n’en n’ont même plus. Ce soir, je ne parlerai pas davantage de l’indispensable unité que toutes les Françaises et tous les Français ressentent. Elle est précieuse et oblige tous les responsables à s’exprimer avec justesse et à agir avec exigence. Non.

Ce soir, je veux parler de votre fils, je veux parler de votre frère, de votre oncle, de celui que vous avez aimé, de ton père. Ce soir, je veux parler de votre collègue, de votre professeur tombé parce qu’il avait fait le choix d’enseigner, assassiné parce qu’il avait décidé d’apprendre à ses élèves à devenir citoyens. Apprendre les devoirs pour les remplir. Apprendre les libertés pour les exercer.

Ce soir, je veux vous parler de Samuel PATY.

largelargeSamuel PATY aimait les livres, le savoir, plus que tout. Son appartement était une bibliothèque. Ses plus beaux cadeaux, des livres pour apprendre. Il aimait les livres pour transmettre, à ses élèves comme à ses proches, la passion de la connaissance, le goût de la liberté. Après avoir étudié l’Histoire à Lyon et avoir envisagé de devenir chercheur, il avait emprunté la voie tracée par vous, ses parents, instituteur et directeur d’école à Moulins, en devenant « chercheur en pédagogie » comme il aimait à se définir, en devenant professeur. Aussi ne pouvait-on trouver meilleur endroit que la Sorbonne, notre lieu de savoir universel depuis plus de huit siècles, le lieu de l’humanisme, pour que la nation puisse lui rendre cet hommage.

Samuel PATY aimait passionnément enseigner et il le fit si bien dans plusieurs collèges et lycées jusqu’à celui de Conflans-Saint-Honorine. Nous avons tous ancré dans nos cœurs, dans nos mémoires le souvenir d’un professeur qui a changé le cours de notre existence. Vous savez, cet instituteur qui nous a appris à lire, à compter, à nous faire confiance. Cet enseignant qui ne nous a pas seulement appris un savoir mais nous a ouvert un chemin par un livre, un regard, par sa considération.

Samuel PATY était de ceux-là, de ces professeurs que l’on n’oublie pas, de ces passionnés capables de passer des nuits à apprendre l’histoire des religions pour mieux comprendre ses élèves, leurs croyances. De ces humbles qui se remettaient mille fois en question, comme pour ce cours sur la liberté d’expression et la liberté de conscience qu’il préparait depuis juillet encore l’été dernier à Moulins à vos côtés et des doutes qu’il partageait par exigence, par délicatesse.

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largeSamuel PATY incarnait au fond le professeur dont rêvait JAURÈS dans cette lettre aux instituteurs qui vient d’être lu : « la fermeté unie à la tendresse ». Celui qui montre la grandeur de la pensée, enseigne le respect, donne à voir ce qu’est la civilisation.

Celui qui s’était donné pour tâche de « faire des républicains ».

Alors, reviennent comme en écho les mots de Ferdinand BUISSON « Pour faire un républicain, écrivait-il, il faut prendre l’être humain si petit et si humble qu’il soit […] et lui donner l’idée qu’il faut penser par lui-même, qu’il ne doit ni foi, ni obéissance à personne, que c’est à lui de chercher la vérité et non pas à la recevoir toute faite d’un maître, d’un directeur, d’un chef, quel qu’il soit » « Faire des républicains », c’était le combat de Samuel PATY.

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Et si cette tâche aujourd’hui peut paraître titanesque, notamment là où la violence, l’intimidation, parfois la résignation prennent le dessus, elle est plus essentielle, plus actuelle, que jamais. Ici, en France, nous aimons notre Nation, sa géographie, ses paysages et son histoire, sa culture et ses métamorphoses, son esprit et son cœur. Et nous voulons l’enseigner à tous nos enfants.

largelargeIci, en France, nous aimons le projet tout à la fois terrien et universel que porte la République, son ordre et ses promesses. Chaque jour recommencer. Alors, oui, dans chaque école, dans chaque collège, dans chaque lycée, nous redonnerons aux professeurs le pouvoir de « faire des républicains », la place et l’autorité qui leur reviennent. Nous les formerons, les considérerons comme il se doit, nous les soutiendrons, nous les protégerons autant qu’il le faudra. Dans l’école comme hors de l’école, les pressions, l’abus d’ignorance et d’obéissance que certains voudraient instaurer n’ont pas leur place chez nous. « Je voudrais que ma vie et ma mort servent à quelque chose » avait-il dit un jour. Comme par prescience.

Alors, pourquoi Samuel fut-il tué ? Pourquoi ? Vendredi soir, j’ai d’abord cru à la folie aléatoire, à l’arbitraire absurde : une victime de plus du terrorisme gratuit. Après tout, il n’était pas la cible principale des islamistes, il ne faisait qu’enseigner. Il n’était pas l’ennemi de la religion dont ils se servent, il avait lu le Coran, il respectait ses élèves, quelles que soient leurs croyances, il s’intéressait à la civilisation musulmane.

Non, tout au contraire, Samuel PATY fut tué précisément pour tout cela. Parce qu’il incarnait la République qui renaît chaque jour dans les salles de classes, la liberté qui se transmet et se perpétue à l’école.

largelargeSamuel PATY fut tué parce que les islamistes veulent notre futur et qu’ils savent qu’avec des héros tranquilles tels que lui, ils ne l’auront jamais. Eux séparent les fidèles, des mécréants.

Samuel PATY ne connaissait que des citoyens. Eux se repaissent de l’ignorance. Lui croyait dans le savoir. Eux cultivent la haine de l’autre. Lui voulait sans cesse en voir le visage, découvrir les richesses de l’altérité.

Samuel PATY fut la victime de la conspiration funeste de la bêtise, du mensonge, de l’amalgame, de la haine de l’autre, de la haine de ce que profondément, existentiellement, nous sommes.

Samuel PATY est devenu vendredi le visage de la République, de notre volonté de briser les terroristes, de réduire les islamistes, de vivre comme une communauté de citoyens libres dans notre pays, le visage de notre détermination à comprendre, à apprendre, à continuer d’enseigner, à être libres, car nous continuerons, professeur.

Nous défendrons la liberté que vous enseigniez si bien et nous porterons haut la laïcité. Nous ne renoncerons pas aux caricatures, aux dessins, même si d’autres reculent. Nous offrirons toutes les chances que la République doit à toute sa jeunesse sans discrimination aucune.

largelargeNous continuerons, professeur. Avec tous les instituteurs et professeurs de France, nous enseignerons l’Histoire, ses gloires comme ses vicissitudes. Nous ferons découvrir la littérature, la musique, toutes les œuvres de l’âme et de l’esprit. Nous aimerons de toutes nos forces le débat, les arguments raisonnables, les persuasions aimables. Nous aimerons la science et ses controverses. Comme vous, nous cultiverons la tolérance. Comme vous, nous chercherons à comprendre, sans relâche, et à comprendre encore davantage cela qu’on voudrait éloigner de nous. Nous apprendrons l’humour, la distance. Nous rappellerons que nos libertés ne tiennent que par la fin de la haine et de la violence, par le respect de l’autre.

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largelargeNous continuerons, professeur. Et tout au long de leur vie, les centaines de jeunes gens que vous avez formés exerceront cet esprit critique que vous leur avez appris. Peut-être certains d’entre-eux deviendront-ils enseignants à leur tour. Alors, ils formeront des jeunes citoyens. À leur tour, ils feront aimer la République. Ils feront comprendre notre nation, nos valeurs, notre Europe dans une chaîne des temps qui ne s’arrêtera pas.

Nous continuerons, oui, ce combat pour la liberté et pour la raison dont vous êtes désormais le visage parce que nous vous le devons, parce que nous nous le devons, parce qu’en France, professeur, les Lumières ne s’éteignent jamais. Vive la République. Vive la France.

Emmanuel Macron, Président de la République

DES HOMMAGES EN RÉGIONS

Dans toute la France les hommages à Samuel Paty se sont multipliés.

À Ramatuelle, dans le Var, le public était nombreux pour écouter le beau discours de son maire, monsieur Roland Bruno, les interventions émouvantes de deux enfants et celle de monsieur Jonathan Lerda, instituteur et Directeur de l’école Gérard Philipe.

DISCOURS DE MONSIEUR ROLAND BRUNO, MAIRE DE RAMATUELLE

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Mesdames, Messieurs,

Dans la salle polyvalente de notre école, une plaque installée lors de son inauguration, porte les mots de Voltaire : « Instruits, les hommes sont des citoyens, ignorants ils deviennent des sujets. ».

largelargeNous sommes réunis devant cette école pour rendre hommage à Samuel Paty, professeur mort égorgé par un terroriste à la sortie de son collège de Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, le 16 octobre 2020.

Samuel est mort pour avoir donné un cours d’enseignement moral et civique. En 2020, nous ne comprenons pas comment une telle chose peut se produire et la stupeur s’est mêlée à l’effroi.

C’est la première fois que l’on s’attaque au cœur de la République : la transmission.

largePaul Eluard ne s’y trompait pas : c’est bien sur nos cahiers d’écoliers, au sein d’une institution laïque et républicaine que se forment les esprits et que ceux qui en ont la charge, les enseignants, exercent chaque jour, avec engagement, leur passionnant métier.

Ils ont la lourde responsabilité de former les citoyens de demain.
Apprendre à réfléchir, à comprendre, à affuter son sens critique, sont des enjeux si l’on veut garder vivant l’esprit de la République.

Samuel Paty, professeur d’histoire et géographie a été assassiné pour avoir fait son devoir d’enseignant.

Mais la peur n’a pas sa place.
Si nous pleurons cet homme, cette violence, ce drame, nous ne devons pas nous replier.
Les professeurs ont besoin de notre soutien, comme les policiers ou les journalistes et les artistes qui ont, eux aussi, été victimes du terrorisme fanatique.
Nos institutions, nos piliers démocratiques et ceux qui les soutiennent, ont besoin de notre engagement au quotidien dans leurs efforts.

Aujourd’hui, je crains que l’auto censure ne s’installe insidieusement dans nos institutions.
Cela, nous ne le voulons pas.
Charlie Hebdo a republié ses caricatures.
Les professeurs doivent pouvoir continuer d’enseigner, sans craindre pour leur vie, à  former les esprits.

A 19h, l’hommage national sera rendu par le Président de la République, dans la Cour d’Honneur de La Sorbonne, monument symbolique de l’esprit  des Lumières.

La commune de Ramatuelle rend hommage à Samuel Paty, à son engament de professeur et en pensant à lui, nous disons notre volonté de vivre dans un monde où la diversité est une richesse.

 

largelargeEt par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
LIBERTE

Voir également

                                                Paul Eluard

Roland Bruno, Maire de Ramatuelle, Chevalier de l’Ordre national du Mérite.

DISCOURS DE MONSIEUR JONATHAN LERDA, DIRECTEUR DE L’ÉCOLE GÉRARD PHILIPE

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largeC’est le cœur lourd, c’est avec une émotion très forte que nous sommes unis aujourd’hui pour participer à cette cérémonie, jour d’hommage national à Samuel Paty.

Les enseignants de notre école, ici présents, se joignent à mes mots. Évidemment, nous sommes choqués, révoltés, attristés pour sa famille, pour ses proches, pour ses élèves.

Ce professeur a perdu la vie parce qu’il enseignait et qu’un fou en a décidé autrement, remettant en cause un cours d’E.M.C. sur la liberté d’expression, cours organisé les jours précédents.

Il ne faisait ni plus ni moins que ce que nous faisons ici dans notre école, tous les jours : transmettre des savoirs, transmettre des valeurs à nos élèves. Cela aurait pu être nous, vous, un collègue, un ami, le professeur de notre enfant, de votre enfant.

Je vois des enfants de l’école devant moi, des parents aussi et j’ai envie de leur dire que nous prendrons le temps nécessaire à la rentrée le 2 novembre pour écouter les enfants, leurs besoins.

largelargeEnseigner, c’est aussi encourager la réflexion, l’esprit critique, donner les clés pour devenir des citoyens du monde. Et c’est ce que nous continuerons à faire toujours avec passion, avec détermination, parce que l’on croit en vous, aux générations futures.

Pour aller plus loin, parce que les mots sont difficiles face à la barbarie, je vous invite à écouter deux anciens élèves de l’école, aujourd’hui collégiens Lucie et Sohel. Ils vont vous faire lecture d’un texte rédigé par le chanteur Gauvain Sers sur la liberté d’expression.

Jonathan Lerda,

Directeur de l’école Gérard Philipe de Ramatuelle

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HOMMAGE DES DESSINATEURS DE PRESSE ET CARICATURISTES

Le dessinateur de presse Pierre Ballouhey, président de  France Cartoons, association des dessinateurs de presse francophones, s’associe au Crayon pour rendre hommage au professeur Samuel Paty.

À Samuel Paty et à Tignous

largeJ’interviens en collège, en lycée et en prison sur le thème du dessin de presse et de la liberté d’expression.

Je projette des caricatures du Pape par Cranach l’Ancien, de Louis-Philippe par Daumier et Philipon, des dessins antisémites pendant l’Affaire Dreyfus, des charges féroces contre l’Église catholique dans l’Assiette au Beurre et à la fin les caricatures danoises de Mahomet et celles de Charb, de Cabu, de Luz et de Tignous. En collège et en lycée ça se passe très bien.

En maison d’arrêt, je devine qu’il y a parmi eux, des fichés S, des mecs en voix de radicalisation et des paumés de retour de Syrie, ça fritte un peu plus, mais en expliquant cette irrévérence à la Française, en décryptant les images, en montrant mes propres dessins et en faisant leur caricature, le courant passe et c’est très fort.

Ils ont vu un vieux dessinateur de presse, c’est rare pour eux et ils s’aperçoivent que ce n’est pas un démon.

En prison, la première chose que les détenus me demande, c’est pourquoi vous êtes là. Je leur réponds que j’ai accepté en pensant à mon ami Tignous, ça pose les choses. Ils le connaissent tous, pas ses dessins, son nom. Maintenant, je rajouterai que je suis là en pensant, aussi, à Samuel Paty.

Ballouhey

Président de France-Cartoons

Festival de L’Estaque, Marseille, samedi 17 octobre 2020

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Nous remercions les dessinateurs Beatrice Alemagna, Ballouhey, Smitha  Bhandare Kama, Biz, Cambon, De Angelis, Elena, Kak, Kichka, Kristian, Antoine Moreau-Dusault, Placide, Riss et Anna Wanda Gogusey pour leur engagement pour la liberté d’’expression.

Cabu et Honoré sont morts parce qu’ils étaient libres. Nous leur rendons ici hommage.


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