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Mot à Maux

Mot à Maux

Voyageuse en écriture comme dans la vie, Chantal Pelletier navigue avec bonheur des nouvelles aux polars, du théâtre (elle a été une des Trois Jeanne) aux romans. « Signoret ou la traversée des apparences », « Et elles croyaient en Jean-Luc Godard » et « « Cinq femmes chinoises » sont ses derniers livres parus respectivement aux éditions des Busclats et aux Éditions Joelle Losfeld.

Avec sa rubrique Mot à maux : Carton de consolation, Chantal Pelletier jouera chaque mois au gré de ses rencontres et de l’actualité, entre mots, et maux. Avec en consolation une ou des œuvres de son choix.

 

Désolation au Rendez-vous des artistes. Dans ce bistro hors planète, on peut offrir un verre à un artiste de son choix même sans son accord. Ceux qui, comme moi, trouvent leur seule consolation dans des rencontres avec des artistes,  cessent alors d’être cul par terre dans une bouse de bœuf. C’est la guerre, autre chose que la crise qui dure au bas mot depuis 44 ans, la preuve : j’ai joué il y a quarante ans jour pour jour dans un spectacle foutraque un poil féministe qui commençait par « C’est la crise, les femmes travaillent, les hommes sont au chômage et ils ne débarrassent pas la table… ». Ce début de fin qui durait déjà aura donc duré longtemps.

Crise devenue guerre, machine à tuer les hommes, à torturer les mots, à faire des assassinats des massacres, des meurtres des crimes contre l’humanité, bestiole à avaler toutes les paroles et tous les événements pour transformer or en merde, réflexions en réflexes (votes, peurs et slogans) et nous diffuser, en consternante stéréo, épidémie de fièvre brune et d’arriération mentale pour une multiplication de cons.

Con. Un mot à considérer, toute vie d’homme commençant par là. Tarés du front et timbrés à charia ont beau dire, ils ont franchi un con de femme, ont traversé un vagin pour venir au monde nous le saloper. Leur effroi et leur fuite éperdue devant leur premier paysage, L’Origine du monde, j’aimerais le dessiner si j’avais un crayon.  Mais il me faudrait un foutu talent pour en faire un carton.

largeC’est  là que je voulais en venir pour, sans carton d’invitation, convier à ma table d’apéro du Rendez-vous des artistes deux sculpteurs qui préfèrent cette noble matière, le carton : Michael Ghent (qui œuvre avec son groupe Street Level Industries) et Andreas Lolis. Ces deux-là nous somment de tout regarder à deux fois, ce qui, dans notre néo-climat à ne pas mettre une idée dehors, ne peut nuire à notre éveil.

Le premier, néo-zélandais, travaille en monumental le carton comme d’autres le granit, fait crier des mots morts, vidés de leur sens et de leur sang. Le second, grec, nous inverse le monde et on l’en remercie. Il cisèle le marbre le plus précieux en abris de fortune, en déchets de polystyrène, en carton plié pour sauver du froid des clochards, dans un travail si fin, si sublime, un exploit si délicat, qu’émerveillé par le possible talent des hommes, on se reprend l’envie d’être debout.

Pour moi, ce sera un Spritz-Campari. Santé !

Chantal PELLETIER

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À retrouver sur notre site : 

Chantal pelletier – Mot à maux : Et lecteur, mars 2017

Chantal Pelletier – Mot à maux : Amies voix, février 2017

Chantal Pelletier – Mot à maux : Au désir des dames, janvier 2017

Chantal Pelletier – Mot à maux : Envers, décembre 2016

Chantal Pelletier – Mot à maux : Ressasser tue, novembre 2016

Chantal Pelletier – Mot à maux : Soif de pétrole, octobre 2016

Chantal Pelletier – Mot à maux : Fichus chiffres, septembre 2016

Chantal Pelletier – Mot à maux : Promo Pro-Moi, août 2016

Chantal Pelletier – Mot à maux : Parade, juillet 2016

Chantal Pelletier – Mot à maux : Voyage au pays des autres, juin 2016

Chantal Pelletier – Mot à maux : culture culte, mai 2016

Chantal Pelletier – Mot à maux : Chance de chanter, avril 2016

Chantal Pelletier – Mot à maux : Ce n’est pas du sang, c’est du rouge!, mars 2016

Chantal Pelletier – Mot à maux : Image saine, février 2016


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