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L’œil et le mot / Ces drôles d’oiseaux I : Icare

L’œil et le mot / Ces drôles d’oiseaux I : Icare

Et si une mise en perspective des irrévérences des caricaturistes avec des saillies de poètes permettait une plus grande liberté du regard ?

 

CES DRÔLES D’OISEAUX I : ICARE, L’HOMME OISEAU

mediumIcare, héros athénien d’un mythe de l’Antiquité grecque, c’est le jeune garçon qui, prisonnier avec son père Dédale, veut  s’échapper du labyrinthe où le roi Minos les a enfermés.  Tous deux ont voulu sortir de leur destin en cage, des barreaux du quotidien. L’astucieux Dédale a bricolé des ailes qu’il a collé comme une prothèse à son fils avec de la cire d’abeille. Icare et Dédale ont refusé l’enfermement. Icare a défié l’ordre établi. Il a laissé derrière lui les terres promises par son père. En un mot il a voulu inventer sa vie. Son histoire est dédiée à tous ceux qui tentent, au péril de leur vie, de conquérir la liberté, et de nous engager à le faire aussi. Ce mythe a été rapporté par de très nombreux poètes et artistes. Ovide, poète latin, Virgile… On le retrouve sur des vases grecs, des fresques de Pompéi, des bas-reliefs du Moyen-Age… Les plus connues des représentations d’Icare au XX° siècle sont celle de Matisse, gouache de 1943, et celle de Pablo Picasso. Dans le grand hall de l’Unesco en 1958, ce dernier a peint Icare, perdu dans un ciel bleu et tombant sur une vaste plage où bronzent des baigneurs indifférents au drame. Nous, c’est l’envol d’Icare, qui nous intéresse, son élan et son  courage. S’arracher à la prison, s’affranchir de la terre, défier le sort… Ne peut-on voir en lui, le premier aéronaute de l’espace ?

LE DÉFI DE L’OISEAU

mediumEncore aujourd’hui,  l’oiseau, reste le symbole de la liberté d’expression. « Un seul oiseau en cage la liberté est en deuil » disait Prévert. Eluard a écrit son nom sur les ailes des oiseaux. Joost Swarte comme d’autres au lendemain des attentats ont pris leurs plumes pour riposter à ceux qui voulaient lui clouer le bec et rendre hommage aux morts.

PETITES PHRASES ENCHANTERESSES :

medium« Tirez sur tous les geais bleus que vous voudrez, si vous arrivez à les toucher, mas souvenez-vous que c’est un péché de tuer un oiseau moqueur. »
Extrait du roman de la romancière américaine Harper Lee,  Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, publié en 1960.

medium« Tout au contraire des vaisseaux, les oiseaux ne volent bien que contre le vent. Or la poésie tient de l’oiseau. »

Extrait du recueil de Victor Hugo, Les Feuilles d’Automne, 1831

LA PAROLES EST AUX POÈTES :

largeIcare est chu ici, le jeune audacieux,
Qui pour voler au Ciel eut assez de courage :
Ici tomba son corps dégarni de plumage,
Laissant tous braves cœurs de sa chute envieux.
Ô bienheureux travail d’un esprit glorieux,

Qui tire un si grand gain d’un si petit dommage !
Ô bienheureux malheur, plein de tant d’avantage
Qu’il rende le vaincu des ans victorieux !


Un chemin si nouveau n’étonna sa jeunesse, 

Le pouvoir lui faillit, mais non la hardiesse ;
Il eut, pour le brûler, des astres le plus beau.
Il mourut poursuivant une haute aventure
Le ciel fut son désir, la mer sa sépulture.
Est-il plus beau dessein ou plus riche tombeau ?

Ph. Desportes (1546-1606) Poème extrait de « Les Amours d’Hippolyte ».

mediumPhilippe Desportes était surnommé à la cour le « Tibule français » pour la douceur et la facilité de ses vers. Poète baroque, officiel et mondain, nourri d’Homère et de Virgile, lecteur de la chambre du roi, assidu des salons littéraires parisiens, il fut nommé abbé de Tiron en récompense de ses fidèles services. Protégé d’Henri III, ses poésies galantes connurent un grand succès de son vivant allant jusqu’à éclipser celui de Ronsard . De son passage à Rome, où il se rend au service de l’évêque du Puy en Velay, il découvre la poésie de Pétrarque, et ramène un goût pour la culture romaine empreinte elle même de la mythologie hellénique.

QUARTIER LIBRE

largeJ’ai mis mon képi dans la cage
Et je suis sorti avec l’oiseau sur la tête
Alors
On ne salue plus
A demandé le commandant
Non
On ne salue plus
A répondu l’oiseau
Ah bon
Excusez-moi je croyais qu’on saluait
A dit le commandant
Vous êtes tout excusé tout le monde peut se tromper
A dit l’oiseau

Jacques Prévert (1900-1977), Paroles, 1946, Gallimard éditeur.

Jacques Prévert est né le 4 février 1900 à Neuilly-sur-Seine. Les copains, les bistrots, les rues, les chiens, les gens, les amours, les chagrins, les bonheurs, les détresses, les utopies, il avait tout ça dans sa poche, notre ami le poète. Un inventaire à n’en plus finir, un inventaire pour nous enchanter. Pourfendeur de la morale hypocrite, insoumis, moqueur, antimilitariste, anticlérical, Prévert fréquente dans l’entre-deux- guerres, les surréalistes. Indiscipliné, rebelle, anarchiste de cœur, épris de liberté, il finira par rompre avec l’autoritarisme du « Maître » André Breton. De même façon, militant actif de gauche, il prendra ses distances avec le Parti Communiste auquel il n’adhéra jamais. Adolescent, il aimait à lire les légendes et les mythes et probablement comme Icare brava les interdits.

Alexandre FAURE

Ci dessous, 7 dessins de presse autour de l’oiseau symbole de liberté : merci aux dessinateurs Florence BambergerMarine BlinBouletEdoPlantuJoost Swarte, ainsi qu’au journal Correio Braziliense


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